Face à un isolement technologique croissant causé par les sanctions occidentales, la Russie a trouvé en la Chine un allié de poids pour accélérer son développement en intelligence artificielle (IA). Le président Vladimir Poutine a ordonné une collaboration étroite entre le gouvernement russe, Sberbank et Pékin dans ce domaine crucial, redéfinissant ainsi les équilibres technologiques mondiaux.
Contourner les sanctions : une stratégie vitale pour Moscou.
Dans une directive publiée le 1er janvier sur le portail officiel du Kremlin, Vladimir Poutine a exprimé la nécessité pour la Russie de « renforcer sa coopération avec la République populaire de Chine dans la recherche et le développement en IA ». Cette initiative est une réponse directe aux sanctions occidentales qui limitent l’accès de Moscou à des technologies essentielles, telles que les unités de traitement graphique (GPU) ou les semi-conducteurs, indispensables pour les avancées en IA.
Selon German Gref, PDG de Sberbank, le manque d’accès à ces composants constitue un « obstacle structurel majeur ». Bien que Moscou parvienne à obtenir certains équipements par le biais de tiers, ces solutions restent insuffisantes pour rivaliser avec les grandes puissances technologiques. La Chine, de son côté, joue un rôle clé en soutenant ces efforts, en fournissant expertise et technologies là où l’Occident impose des restrictions strictes.
La Chine : un partenaire technologique et stratégique.
Classée deuxième puissance mondiale en intelligence artificielle selon le Global AI Index 2024, la Chine est un acteur incontournable dans cette alliance stratégique. Depuis le début du conflit en Ukraine, les relations entre Moscou et Pékin se sont intensifiées, bien que la Chine continue de nier tout soutien militaire direct à la Russie. Les deux nations collaborent néanmoins sur des technologies sensibles, notamment les systèmes anti-drones et les armes autonomes, selon le Centre international pour la défense et la sécurité.
Cette coopération s ‘inscrit également dans le cadre plus large des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Vladimir Poutine a récemment proposé la création d’un « réseau d’alliance en IA », une initiative visant à fédérer les forces des pays membres pour contrer l’hégémonie technologique des États-Unis et encourager le développement de technologies souveraines.
Une course mondiale à l’intelligence artificielle.
La compétition internationale autour de l’intelligence artificielle s’intensifie, et les implications géopolitiques sont majeures. La Russie concentre ses efforts sur des applications militaires de l’IA, comme la cyberguerre, les systèmes autonomes et les opérations de drones. La Chine, quant à elle, poursuit des projets ambitieux, notamment le développement de robots totalement autonomes à usage militaire, parfois qualifiés de « robots tueurs ».
Malgré ces initiatives, les États-Unis conservent une longueur d’avance dans cette course technologique. Selon un rapport de l’Institut pour l’IA centrée sur l’humain de Stanford, Washington surpasse Pékin dans des domaines clés, tels que les investissements privés, la recherche universitaire et l’innovation technologique. La Russie, en revanche, reste en retrait, se classant 31e sur les 83 pays évalués dans le Global AI Index 2024.
Conséquences économiques et stratégiques à long terme.
Le partenariat sino-russe dans le domaine de l’intelligence artificielle pourrait transformer les équilibres géopolitiques et économiques mondiaux. En unissant leurs forces, ces deux nations cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis des technologies occidentales tout en accélérant le développement de systèmes d’armes autonomes et de solutions technologiques avancées. Cependant, cette alliance pourrait également exacerber les tensions avec les États-Unis et l’Union européenne, qui investissent massivement pour maintenir leur avance technologique.
Sur le plan éthique, l’émergence de technologies comme les « robots tueurs » soulève de nombreuses questions. Les experts mettent en garde contre les dangers liés à l’utilisation de systèmes d’IA autonomes dans les conflits armés, pointant notamment leur potentiel à redéfinir les règles de la guerre. Ces innovations, si elles ne sont pas encadrées par des régulations internationales, pourraient entraîner une escalade des conflits et bouleverser les équilibres de pouvoir mondiaux.
Cette collaboration met en lumière un phénomène croissant de cybersouveraineté, où chaque nation cherche à maîtriser ses propres infrastructures technologiques. La Russie et la Chine, en renforçant leur partenariat en intelligence artificielle, incarnent une nouvelle ère de fragmentation technologique qui pourrait remodeler l’économie mondiale et questionner les normes actuelles de gouvernance technologique.