Accusé d’abus de position dominante avec son App Store, Apple est au cœur d’un procès inédit au Royaume-Uni. L’action collective engagée par 20 millions d’utilisateurs réclame une indemnisation de 1,8 milliard d’euros, mettant en lumière des pratiques jugées anticoncurrentielles.
Des accusations portant sur des pratiques anticoncurrentielles
Le procès, qui s’est ouvert au Tribunal d’appel de la concurrence à Londres, examine une plainte déposée en mai 2021. Les plaignants, représentés par l’universitaire Rachael Kent et le cabinet Hausfeld & Co, dénoncent une « commission obligatoire de 30 % » appliquée par Apple sur la majorité des transactions effectuées via l’App Store. Cette surcharge affecterait non seulement les téléchargements d’applications, mais aussi les achats intégrés, à l’exception des services liés à des produits physiques, comme Deliveroo et Uber Eats.
Les accusations soulignent également l’interdiction par Apple des magasins d’applications tiers sur ses appareils. Cette stratégie est perçue comme une tentative délibérée d’éliminer la concurrence et de verrouiller son écosystème pour maximiser ses bénéfices.
Un impact financier massif pour les utilisateurs concernés
Selon les estimations, tout utilisateur ayant acheté des applications ou souscrit des abonnements sur l’App Store britannique entre le 1 octobre 2015 et le 15 novembre 2024 pourrait être éligible à une compensation. L’action collective, qui inclut automatiquement les consommateurs concernés sauf s’ils choisissent de s’en retirer, pourrait forcer Apple à verser jusqu’à 1,8 milliard d’euros en indemnisations.
Pour Rachael Kent, l’universitaire en charge de cette action collective, cette procédure est essentielle. Elle estime que ces pratiques auraient généré des coûts disproportionnés pour les utilisateurs, créant une situation d’injustice économique dans l’écosystème numérique.
Les arguments de défense d’Apple
Apple rejette fermement les accusations, qualifiant cette procédure de « sans fondement ». L’entreprise met en avant le fait que 85 % des applications disponibles sur son App Store sont gratuites et que ses commissions sont comparables à celles pratiquées par d’autres plateformes numériques.
La firme californienne souligne également que les développeurs de petite taille bénéficient d’un taux réduit de commission fixé à 15 %, bien inférieur au taux standard de 30 %. Selon Apple, il n’existe aucune preuve que les développeurs répercuteraient une éventuelle réduction de ces commissions sur les consommateurs finaux, rendant ainsi caduques les revendications des plaignants.
Un contexte de pression réglementaire mondiale
Ce procès s’inscrit dans un contexte global de surveillance accrue des géants technologiques. La Commission européenne a récemment mis en lumière des pratiques similaires, estimant que l’App Store enfreignait les nouvelles règles imposées par le Digital Markets Act (DMA). Face à ces pressions, Apple a consenti dans l’Union européenne à autoriser des magasins d’applications alternatifs sur ses appareils, une mesure qui reste toutefois limitée géographiquement.
Selon Rachael Kent, ces ajustements sont insuffisants. Elle considère que ce procès représente un moment clé pour réguler les pratiques des plateformes numériques et favoriser un environnement concurrentiel plus équitable.
Un enjeu majeur pour l’avenir du marché des applications
Si les plaignants obtiennent gain de cause, cette affaire pourrait établir un précédent juridique d’envergure mondiale. Une victoire pourrait non seulement contraindre Apple à indemniser les utilisateurs britanniques, mais aussi pousser l’entreprise à revoir ses politiques tarifaires et à permettre une plus grande ouverture de son écosystème. Cela pourrait également inciter d’autres géants technologiques à adapter leurs pratiques pour éviter des litiges similaires.
Pour les consommateurs, les retombées pourraient être significatives. Une réduction des commissions ou une ouverture à des magasins d’applications tiers pourrait se traduire par une baisse des coûts des applications et des abonnements numériques. Ce procès pourrait ainsi redéfinir les standards du marché des applications, tant au Royaume-Uni qu’à l’international.
Avec une durée prévue de sept semaines, ce procès est observé de près par les régulateurs, les entreprises et les consommateurs. Il met en lumière les tensions croissantes entre les grandes entreprises technologiques et les autorités, dans un contexte où les notions de transparence, de concurrence équitable et de protection des utilisateurs sont au cœur des débats économiques et sociaux.